Vous êtes nombreux à me poser des questions au sujet des conservateurs. Certains s’interrogent sur des mots barbares que l’on peut lire en fin de composition même dans les produits bio et slow, s’inquiétant que le bazar ne soit en réalité pas si naturel que ça. D’autres se demandent ce qu’il vaut mieux utiliser, en cosmétique maison.
Alors voilà : je vous propose un petit topo rapide sur le sujet.
J’ai choisi de me concentrer sur les conservateurs autorisés par les principales chartes bio d’abord parce que ma connaissance des autres molécules utilisées dans le reste de la cosmétique n’est pas très grande, ensuite parce que la conclusion des études que j’ai pu lire au sujet de ces molécules est plutôt inquiétante et encourage plutôt à totalement rejeter ces ingrédients (perturbateurs endocriniens, cancérigènes, reprotoxiques…), enfin parce que la plupart de mes lecteurs (c’est vous hein mes lecteurs, ne faites pas les timides) ont déjà une sensibilité à la question de la cosmétique naturelle qui les fait rejeter les marques les plus cracra et les moins recommandables.
Toutefois, si vous voulez en savoir plus sur les dangers des conservateurs utilisés dans les cosmétiques de la grande distribution, si vous voulez connaître tous leurs petits noms pour pouvoir les identifier facilement, je vous conseille très vivement d’aller lire cet article très bien fait de la Compagnie des Sens. Je suis tombée dessus alors que j’avais déjà rédigé mon propre article et je me suis dit que j’aurais mieux fait de ne rien écrire du tout et de vous le conseiller, si je l’avais lu plus tôt.
J’en profite pour vous rappeler que la Compagnie des Sens est l’une de mes alternatives à Aroma-Zone, une e-boutique où trouver des huiles essentielles et huiles végétales bio d’excellente qualité.
A lire aussi : cet excellent article sur les conservateurs des Happycuriennes.
L’occasion pour vous d’aller découvrir cette superbe marque lauréate de la mention Slow Cosmétique.
Des conservateurs, pourquoi ?
La plupart des cosmétiques contiennent beaucoup d’eau (crèmes, shampoings, gels douches, laits…). Or, de l’eau ainsi que quelques sucres, protéines et matières grasses, voilà tout ce dont les micro-organismes ont besoin pour vivre, et c’est justement la composition de nos cosmétiques.
Les cosmétiques sont donc un milieu de vie très agréable pour les bactéries et autres champignons. Ces microscopiques bestioles, quand elles sont dans un milieu qui leur convient, prennent un malin plaisir à se reproduire et à dégrader les molécules qu’elles consomment en d’autres molécules.
Résultat sur un produit cosmétique : l’apparition d’une couche peu ragoutante de couleur verte, brune, rouge ou jaune… bref, un truc charmant, mais aussi un changement de couleur, d’odeur, de texture du produit. Si ce n’était que de l’apparence me direz-vous… Non, d’accord, ça serait quand même beurk. Mais ces transformations altèrent également la composition du produit et donc, son efficacité et ses effets, sans parler du potentiel risque de réactions cutanées.
Bref, vous l’aurez compris, dans les cosmétiques contenant de l’eau, les conservateurs, c’est un peu obligatoire. Le souci, c’est que notre peau héberge toute une population de micro-organismes, que l’on appelle microbiote ou flore cutanée. Elles aussi, ce sont des bactéries, mais elles sont très importantes pour la peau, car elles constituent une barrière protectrice, nous protégeant notamment des infections.
Le problème, c’est que la plupart des conservateurs ne sont pas très regardants quant aux micro-organismes qu’ils zigouillent. Ils ne font pas la sélection entre les bactéries qui pourraient essayer d’envahir nos cosmétiques et celles, bénéfiques, qui protègent notre peau.
Il va donc falloir trouver un équilibre entre la conservation des produits et la conservation de notre microbiote… Et ça n’est pas évident.
Les conservateurs synthétiques
Les conservateurs synthétiques autorisés par les principales chartes bio sont ce que l’on appelle des naturelike. Cela signifie que ces molécules peuvent se trouver à l’état naturel, mais qu’elles sont trop peu disponibles dans la nature pour être exploitées et qu’on les reproduit donc par synthèse. Même si ça n’est pas une garantie sensationnelle, car des molécules naturelles, il y en a des tonnes qui sont aussi dangereuses pour notre organisme que des molécules synthétiques, c’est au moins une assurance que ce sont des éléments avec lesquels notre corps peut être amené à être en contact naturellement.
Il s’agit de produits bactéricides, fongicides (qui tuent les champignons) et antimicrobiens, ce sont donc généralement des acides, des alcools ou des sels dérivés de ces acides. On reconnaît généralement le nom d’un sel dérivé d’acide dans la liste INCI au fait qu’il commence par sodium ou potassium et qu’il est suivi d’un second mot terminant par ate.
Voici la liste des conservateurs autorisés par Cosmebio :
- Sorbic acid et ses sels (potassium sorbate),
- Dehydroacetic acid et ses sels,
- Benzoic acid et ses sels (sodium benzoate, denatonium benzoate) ainsi que l’alcool dérivé (benzylic alcohol),
- Salicylic acid et ses sels (sodium salicylate).
La charte Nature et Progrès, qui est ma référence en général car très très exigeante tant pour la santé que pour l’écologie, n’accepte pas l’acide salicylique et ses dérivés. Certaines études ont démontré qu’il pourrait être reprotoxique, aussi dans le doute, je préfère personnellement l’éviter, je vous conseille d’en faire autant.
En général, les conservateurs sont utilisés en synergie, pour couvrir le plus large spectre possible.
Les plus couramment utilisés sont le couple sodium benzoate & potassium sorbate, ou encore le couple dehydroacetic acid & benzyl alcohol, qui n’est autre que le fameux Cosgard.
On peut également trouver ces deux couples dans le commerce pour la cosmétique maison.
Le choix de tel ou tel conservateur dépendra notamment de l’acidité du cosmétique dans lequel il sera utilisé, car leur efficacité dépend en partie du PH du milieu dans lequel ils se trouvent.
A noter pour la cosmétique maison :
Le couple sodium benzoate & potassium sorbate se dose à 1 % et est indiqué pour les préparations au PH acide, où il est plus efficace (shampoings, gels douche, spray capillaire…)
Le Cosgard se dose à 0,6 % et convient également aux préparations au PH neutre ou légèrement basique.
Si ces conservateurs sont considérés comme doux et bien tolérés, il n’en reste pas moins que leur job consistant à agresser les bactéries, ils les agressent, et ne sont donc pas inoffensifs. Ces molécules restent assez irritantes et potentiellement allergisantes, d’où le fait que je vous conseille fortement de les bannir de tout cosmétique à destination des enfants de moins de deux ans.
Les conservateurs d’origine naturelle
Il existe quelques conservateurs d’origine totalement naturelle. Ils sont beaucoup mieux tolérés, même par les tout petits. Seulement, le revers de la médaille, c’est qu’ils sont beaucoup moins efficaces que les autres (deux ou trois mois de conservation au maximum).
Cependant, quelques marques ont eu l’idée de les utiliser en association avec les conservateurs synthétiques que nous avons vus plus tôt, ce qui permet de réduire considérablement la proportion de ces derniers dans les cosmétiques. C’est donc une alternative intéressante.
Par ailleurs, pour la cosmétique maison, ils sont à mon sens vraiment intéressants, puisque l’on peut décider de la quantité de produit que l’on prépare et en faire suffisamment peu pour que les conservateurs naturels s’avèrent tout à fait suffisants.
Regardons-les d’un peu plus près.
Le Naticide
Dois-je vous avouer que j’ai toujours trouvé ce nom inquiétant ? On dirait un produit pour tuer les nouveaux-nés. Non, non, oubliez, sinon vous ne voudrez plus vous en servir.
Le naticide, aussi appeler Plantaserv Q, est… Eh bien en fait, personne ne sait ce que c’est. Sa composition est totalement secrète, tout ce qu’on en sait c’est qu’il est 100% d’origine naturelle… Enfin, c’est ce que les fabricants disent. Moi, je n’aime pas ne pas savoir.
Ce petit malin se cache sous la dénomination fragrance ou perfume, dans les compositions INCI. Du coup, impossible de le détecter.
Il est très doux, sensé être toléré même par les tout petits, même si on relate quelques risques d’allergie.
Il conservera vos préparations environ 3 mois. En cosmétique maison, on le dose à 0,6 %.
Cependant, il a deux inconvénients : d’abord, il n’est pas soluble dans l’eau. Dans la plupart des cas, ça ne pose aucun souci, puisqu’il pourra se mélanger dans une émulsion, donc il sera utilisable pour des crèmes, des shampoings, des laits… En revanche, si vous réalisez par exemple un spray capillaire aqueux comme celui dont je vous donne la recette sur le blog, vous ne pourrez pas l’utiliser.
Le second inconvénient du naticide, c’est son odeur : il a une odeur très prononcée de vanille et d’amande. On aime ou pas, mais l’odeur est bien présente, même si vous utilisez par ailleurs des fragrances ou des huiles essentielles dans votre produit.
Bref ; potentiellement allergène, on ne sait absolument rien de sa composition, odeur forte et pas soluble dans l’eau, personnellement, je ne l’utilise pas en cosmétique maison.
Le leucidal
Dans la composition INCI, il s’appelle leuconostoc/radish root ferment filtrate. On le trouve de plus en plus dans les produits vraiment slow, car il permet de réduire considérablement la proportion de conservateurs synthétiques, même si jusqu’à présent je n’ai trouvé aucune marque qui se risque à n’utiliser que lui.
Il est issu de la fermentation du radis. Il est inodore, soluble dans l’eau et très doux et bien toléré même sur la peau des bébés.
Il conservera vos cosmétiques deux à trois mois.
Son seul inconvénient : il faut en mettre une proportion importante dans le produit pour qu’il soit efficace (4 %).
Malgré tout, c’est celui que j’ai choisi pour mes cosmétiques maison car je lui trouve beaucoup d’avantages.
L’extrait de pépins de pamplemousse
Sans doute le moins transformé des conservateurs naturels, son pouvoir antibactérien est connu non seulement en cosmétique, mais on peut aussi l’utiliser dans ses produits ménagers ou même en consommer pour lutter contre les virus hivernaux.
On le trouve souvent abrégé EPP et, dans la nomenclature INCI, il s’appelle citrus paradisi extract. Avouez que vous aussi, ça vous fait du bonheur dans le cœur, quand vous voyez paradisi dans une composition INCI.
Lui aussi est très bien toléré même par les tout petits, soluble dans l’eau et il se dose à 1 % de vos préparations.
Cependant, si c’est un conservateur très naturel, il est aussi très peu efficace (un mois maximum).
Par ailleurs, comme la chair du fruit dont il est issu, il a montré des interactions possibles avec un certain nombre de médicaments (immunosuppresseurs, certains antidépresseurs, certains anti-inflammatoires, hypocholestérolémiants et anticancéreux).
Le principe de précaution me fait vous conseiller de ne pas l’utiliser si vous prenez un traitement pour lequel on vous a contrindiqué le pamplemousse.
Les huiles essentielles
Les huiles essentielles ne sont pas à proprement parler des conservateurs. Cependant, certaines ont un pouvoir antibactérien ou fongicide important, qui pourra améliorer la durée de vie de vos cosmétiques. Ne comptez pas uniquement sur elles comme conservateur, ça ne fonctionnera pas ou du moins pas longtemps. Mais c’est tout de même intéressant à exploiter.
Pour des huiles essentielles bactéricides, on pourra penser à la lavande aspic, au lavandin, au tea tree, au laurier noble ou encore à l’eucalyptus radié ou au thym à linalole.
Pour des huiles essentielles fongicides, on pourra se tourner vers le tea tree toujours, le géranium rosat, la palmarosa ou encore le bois de rose ou de hô.
Petit rappel : parmi les huiles essentielles citées, seuls le lavandin, l’eucalyptus radié et le tea tree pourront être utilisées pour la femme enceinte, et seulement à partir du quatrième mois de grossesse.
On évitera toutes ces huiles essentielles pour l’enfant de moins de trois ans.
Des produits sans eau pour se dispenser de conservateur
Une alternative intéressante pour se dispenser des conservateurs, c’est de fabriquer des produits sans eau. En effet, sans eau, pas de vie possible, donc, pas de bébêtes !
Certaines marques slow s’y mettent peu à peu. C’est pour ma part un choix que je privilégie de plus en plus dans ma routine cosmétique.
Voici quelques idées, tant de produits maison que de produits du commerce :
- Des savons à froid plutôt que du gel douche,
- Un sérum huileux plutôt qu’une crème pour le visage,
- Des shampoings solides,
- Un dentifrice formulé sans eau,
- Un démaquillant sans eau,
- Une bb-crème sans eau,
- Et ainsi de suite !
Comme vous le voyez, beaucoup de choses sont remplaçables. Ne croyez pas que je fais la maligne, moi aussi il y a encore des produits que je préfère et qui contiennent de l’eau. Mais il y a quand même sacrément moyen de réduire notre exposition aux conservateurs, sans parler de l’expédition de ces conservateurs dans le milieu aquatique.
La vitamine E n’est pas un conservateur
Je lis et j’entends cette erreur très souvent, aussi me paraît-il nécessaire de consacrer un paragraphe à la vitamine E, que vous trouverez sous l’appellation tocopherols dans la dénomination INCI.
La vitamine E n’est pas un conservateur, mettez-en autant que vous voulez, elle n’empêchera pas la prolifération des micro-organismes dans vos cosmétiques.
Il s’agit d’un antioxydant, un produit qui va empêcher les huiles et beurres de rancir. Elle pourra donc éventuellement s’avérer utile dans tous les types de produits que nous avons évoqués dans le paragraphe précédent, les huiles, les baumes, les gels huileux…
Par ailleurs, puisqu’elle est antioxydante, la vitamine E est utile dans tous les soins anti-âge, car elle va lutter contre le vieillissement cutané lié à l’oxydation. Sa double action de conservation des huiles et d’actif anti-âge pourra s’avérer très utile dans un sérum huileux anti-âge par exemple.
Voilà tout mes chers lecteurs, en espérant que cet article ait pu vous apporter quelque chose.
N’hésitez pas à apporter votre pierre à l’édifice en commentaire.
Et en fin de compte, heureusement que je m’en suis tenue aux conservateurs acceptés en bio, hein, parce que je vous en ai déjà pondu une sacrée tartine !
9 commentaires
Merci pour cet article absolument passionnant ! Je me posais une question : pourquoi n’avez vous pas parlé de la vitamine E?
Belle journée,
Anne-Sophie
Bonjour !
Merci pour ce commentaire !
Je n’ai pas parlé de la vitamine E car ce n’est pas un conservateur. Il s’agit d’un antioxydant, donc uniquement utile pour prolonger la durée de vie des huiles végétales et produits uniquement constitués de corps gras, mais elle ne lutte pas du tout contre la prolifération des bactéries et champignons.
Cependant, beaucoup de monde fait l’amalgame, du coup merci beaucoup pour la suggestion, je vais modifier l’article pour l’inclure et expliquer ce qu’elle est et ce qu’elle n’est pas.
Bonne journée et au plaisir !
Bonjour.
Super intéressant! j’ai même pris des notes! :)
je débute dans les cosmétiques naturels faits maison et je commence à devenir accroc donc tes articles sont géniaux!
merci beaucoup et continue comme ça!
bon week end
Waou merci pour ce message ! C’est tellement encourageant pour moi !
Prends soin de toi et bonne semaine !
Cet article est super complet et enrichissant merci pour toutes ces informations. :)
Avec grand plaisir !
Bonjour
Merci pour toutes ces explications
Je débute dans un univers totalement inconnu mais je suis motivée
J ai juste peur de tester des recettes de n’importe quoi
Compliqué de savoir qui a une vraie bonne recette et celles qui vantent du vent
Bon beh y a plus qu’à se lancer et tester
Bisette et mille merci
Salut, et merci pour ton adorable message !
Bon bah bien sûr, je serais tentée de te dire que c’est mes recettes qu’il faut suivre, mais ça serait carrément pas objectif, et ça ne serait même pas ce que je pense. Parce qu’il en faut pour toutes les sensibilités, tous les goûts, tous les niveaux de difficulté, etc. Tout ce que je peux te dire, c’est que je suis quelqu’un qui fais énormément de recherches avant de publier et ue ce que je propose sur le blog, ce n’est que des choses que j’utilise ou que j’ai utilisées pour moi-même.
Et puis surtout, parce qu’à mon sens c’est ça qui fait la richesse des découvertes, si jamais tu essaies quelque chose, même si ça ne vient pas d’ici, bien au contraire même, j’adore découvrir de nouvelles choses, bref, si tu testes quoi que ce soit dans l’univers, et que tu as des questions, des remarques, des inquiétudes, ou simplement, des retours, positifs ou négatifs, je suis toujours ravie de discuter et d’échanger, d’apporter mes connaissances quand je le peux, que ce soit en commentaire, par mail ou sur mes réseaux sociaux.
Voilà, en tout cas, bienvenue dans le joyeux monde de la cosmétique maison et de la slow cosmétique, avant tout je pense qu’il faut que tout ça reste un plaisir, on fait avant tout tout ça pour soi, et ça doit toujours rester avant tout de bons moments. Donc, je te souhaite beaucoup de bonheur !
Bonjour
Merci de ta générosité qui devient trop rarement offerte de nos jours
À bientôt
Bisette