Elle s’appelle Camille, elle est non-voyante et elle a choisi un oiseau comme animal de compagnie.
Je fais partie, je l’avoue humblement, de ces personnes qui ont un gros a priori sur les oiseaux. C’est sale, ça fait des dégâts, ça ne sert pas à grand-chose et quand on ne voit pas, c’est ingérable en plus d’être hyper flippant.
Quand j’ai entendu Camille parler de son lien avec sa boule de plumes, j’ai d’abord été surprise, puis intriguée, puis carrément passionnée. Voilà pourquoi je lui ai demandé si elle voulait bien écrire un témoignage sur mon blog pour nous en parler et, par là même, devenir ma première invitée officielle.
Merci infiniment Camille pour ce témoignage sensible, touchant et plein de judicieux conseils.
Que vous y voyiez ou n’y voyiez pas, que vous ayez ou non un oiseau, que vous ayez ou non envie d’en avoir un un jour, ce texte ne pourra que vous enrichir et vous séduire.
Bonne lecture !
Introduction
Bonjour, je suis Camille, j’ai 22 ans et je vis dans la région Bretagne.
Il y a 4 mois, j’ai adopté Éline, une calopsitte apprivoisée. Pour vous les décrire un peu, les calopsittes sont de grandes perruches, de la même famille que les cacatoès et originaires d’Australie. Elles mesurent en moyenne de 30 à 36 cm du sommet de la tête jusqu’au bout de la queue. Ce qui fait leur particularité, c’est leur très longue crête avec laquelle elles s’expriment beaucoup.
L’idée m’est venue de témoigner sur mon quotidien avec un oiseau, car, lorsque j’ai évoqué le sujet avec d’autres personnes non-voyantes, je me suis aperçue que beaucoup se faisaient des idées sur la manière dont il nous était possible de nous occuper d’un oiseau sans la vue. De plus, s’il est courant d’adopter des chiens ou des chats, il est plus rare d’adopter des oiseaux et cela l’est d’autant plus parmi les non-voyants.
Je vous propose donc de partager mon expérience afin, d’une part, de faire découvrir ces animaux merveilleux et d’autre part, de montrer comment on peut réussir à s’occuper d’un oiseau et créer un lien, même lorsqu’on ne le voit pas.
Comment j’en suis venue à adopter un oiseau
J’étais dans une animalerie, dans laquelle je vais régulièrement acheter le nécessaire pour mes autres animaux de compagnie. Comme à chaque fois, j’entendais le chant des oiseaux, qui m’a toujours attiré depuis que je suis enfant. Par ailleurs j’avais un jour pu tenir dans mes mains un oiseau un peu perdu que j’avais aidé à repartir et depuis, je m’étais souvent dit que j’aimerais en adopter un plus tard. Mais chaque fois une petite voix me disait : « un oiseau alors que tu ne vois pas ? Impossible. »
Un dimanche, comme j’avais du temps, je me suis dirigé vers les chants. C’est là que je suis tombée nez à nez avec Éline. Au départ, je pensais que c’était elle qui produisait cette si belle mélodie qui me parvenait aux oreilles. J’ai su ensuite que ce n’étais pas le cas car Éline n’a jamais chanté quoique ce soit, mais au final, ce n’est pas ce qui m’a motivé à franchir le pas.
Je me suis approchée de sa cage. J’avais un peu peur, surtout de son bec crochu et du fait qu’elle pouvait me pincer sans prévenir. J’ai eu encore plus peur lorsque ce fameux petit bec m’a touché le bout du doigt et j’ai immédiatement retiré ma main. Mais je suis curieuse et très vite j’ai retenté l’expérience. Le petit bec, curieux lui aussi, touchait mon doigt, mais sans pincer. Une vendeuse est arrivée et m’a proposé de la sortir. J’étais partagée entre la joie de pouvoir la toucher pour de vrai et la crainte de cet animal que je ne connaissais pas, mais qui avait tant d’attrait pour moi. Il n’a pas fallu plus de quelques secondes de promenade sur mon épaule pour qu’elle me fasse craquer, avec sa douceur, son calme et sa beauté, car même sans voir sa couleur, je pouvais admirer sa forme, ses plumes toutes lisses, et sa petite tête avec la fameuse crête qui bouge dans tous les sens.
Mais, une fois les émotions passées, la réalité revient. Certes, j’adore les oiseaux et j’ai souvent pensé en adopter un. D’accord, cette boule de douceur a l’air parfaite pour une débutante comme moi… Mais en plus de ne pas savoir grand-chose sur les oiseaux, je ne vois pas.
Comment je fais si elle s’envole ? Comment je la nourri ? Comment je nettoie sa cage ? Et ça fait des fientes partout ! Oh mais non je ne vais jamais pouvoir nettoyer derrière, et je ne vais quand même pas vivre dans la saleté…
Mais c’est bien connu, les vendeurs ont réponse à tout. En me renseignant sitôt Éline adoptée, j’ai très vite appris que certaines réponses étaient plus ou moins adaptées, mais la personne a au moins le mérite de m’avoir rassuré, m’avoir montré et expliqué tout ce que je voulais savoir, et de ne pas avoir émis le moindre doute sur le fait que je m’en occuperais correctement.
Résultat, après pas mal de réflexions, de câlins avec ma future protégée et quelques conseils, nous voilà parties toutes les 2 pour une nouvelle aventure.
Les premiers temps, mon quotidien était rythmé de questions, de recherches sur le net, de demandes de renseignements dans des groupes consacrés aux calopsittes, d’inquiétudes… Normal me direz-vous. Ce serait le cas pour beaucoup s’ils adoptaient un animal quel qu’il soit sans rien y connaître. Mais quand on commence à parler de choses qui fâchent comme par exemple la couleur des fientes, les attitudes gestuelles avec lesquels l’oiseau s’exprime… Là, ça devient encore plus compliqué pour quelqu’un qui ne peut avoir accès à ces informations.
Dit comme ça, je vous l’accorde, ça semble un peu trop négatif. Mais rassurez-vous, 4 mois sont passés depuis l’arrivée d’Éline à la maison, et j’ai donc eu tout le temps de trouver des astuces pour parer aux éventuels obstacles et j’ai pu transformer toute mes craintes en un immense bonheur.
Qu’est-ce que je fais avec un oiseau si je ne le vois pas ?
Voici l’une des questions qui m’a déjà été posée par un non-voyant et qui m’a tout de suite fait réagir.
Au début, j’ai pensé que ça n’avait pas de sens. Je me disais : « mais dans ce cas, pourquoi est-ce qu’on adopte des chiens, ou des chats puisqu’eux non plus on ne les voit pas ? »
Mais je me suis souvenu qu’avant d’avoir Éline, moi aussi j’avais entendu des oiseaux chanter sans jamais admirer leur beauté, leur façon de voler et tous ces détails visuels qui font que des gens craquent pour des boules de plumes.
Alors on est d’accord. Un oiseau c’est fait pour voler et ça vit dans une cage. Mais au-delà de ça, les oiseaux sont très intelligents et capables de bien plus que je ne l’aurais moi-même pensé avant d’adopter ma calopsitte. Je vais donc vous donner quelques exemples d’activité que je fais avec Éline.
Le contact
Premièrement, il y a le contact. Les sorties étant primordiales pour les calopsittes, Éline sort au minimum 4 heures par jours de sa cage. Et pendant tout ce temps, c’est sieste sur l’épaule ou la tête de l’humaine, demande de gratouilles, de bisous, etc. Et oui il n’y a pas que nos amis chiens et chats qui ont le droit à leurs séances de câlins.
Les séances musicales
Si vous êtes amateurs de musique, de chant ou si comme moi vous aimez siffler des airs à longueur de journées, il se pourrait bien que vous finissiez par avoir un parfait imitateur. Pour ce genre de chose, mieux vaut avoir un mâle, car les femelles sont plus portées sur la réflexion. Pour l’instant, Éline se contente de m’écouter un peu, avant de se remettre à sa toilette.
Les jeux
Le premier jeu préféré d’Éline a été de lancer un bouchon et que moi, gentil toutou, j’aille le lui chercher. Et quand on ne voit pas et qu’on a le malheur de ne pas retrouver l’objet qui est tombé sans faire de bruit sur un tapis… Gare aux tympans !
Cependant les jeux peuvent être de toute sorte. En fouillant un peu sur des animaleries en ligne, j’ai été surprise de découvrir qu’il existait des jeux éducatifs allant du plus simple au plus compliqué. Résultat, je pense enseigner à Éline le jeu consistant à remettre les formes dans une boîte en les faisant rentrer par les trous correspondants. Malheureusement je ne pourrais pas témoigner sur le résultat, car Éline étant assez craintive, je dois d’abord lui apprendre à toucher à des objets de formes et de matières diverses sans se mettre à paniquer, avec cri et vol incontrôlés à la clé.
Et le meilleur pour la fin, du moins en ce qui nous concerne Éline et moi : il s’agit de lui apprendre des tours. Personnellement j’apprends à Éline des choses utiles pour le quotidien. J’y vois plusieurs intérêts : je la stimule, elle prend ça pour un jeu, ça renforce le lien entre nous et ça m’aide pour m’en occuper. On peut par exemple leur apprendre le rappel. Éline adore ça. Elle me sollicite tous les jours pour une séance de ce jeu génial où je me cache et où elle me retrouve pour avoir une bonne graine ou des gros câlins. Et moi, ça me rend de fiers services quand elle a décidé d’aller se percher tout en haut d’une armoire ou je peux à peine l’atteindre même en montant sur une chaise…
Bien entendu, il existe bien d’autres possibilités de jeux ou de choses à leur apprendre, que je n’ai pas cité ici, parce que les oiseaux sont capables de tant de choses que je ne peux pas tout connaître.
La communication
Lorsque j’ai adopté Éline, je me suis immédiatement demandé comment j’allais faire pour la comprendre. Comment savoir si elle n’est pas malade ou blessée ? Si elle est contente ou pas quand je m’occupe d’elle ?
En allant sur internet, je tombais surtout sur des photos de calopsittes avec la crête et les ailes dans différentes positions et pour chaque photo, ce que ça pouvait signifier. Mais évidemment, sans voir ni l’oiseau, ni les photos, je n’étais pas plus avancée. J’ai donc décidé tout simplement de nous laisser à toutes les 2 le temps de nous connaître. Et très vite, j’ai pu faire la différence entre des cris d’appel, une demande pour sortir de la cage, la faim, la colère, le jeu, la joie, les souffles de peur… Et tout ça en écoutant ses cris et en les associant avec le contexte. Au début, j’ai évidemment été perdue, mais je ne pense pas l’avoir été davantage que quelqu’un qui aurait vu l’oiseau, sans connaître ses expressions corporelles.
Le toucher
Ensuite, il m’a paru très important d’habituer Éline à être manipulée. Cela ne fait que 4 mois que je l’ai et je continue à l’habituer, encore plus que pour un autre oiseau. Cela me permet d’accéder à des informations comme par exemple la position de sa crête et de ses ailes dont je vous parlais et qui sont beaucoup utilisés par les oiseaux pour communiquer. De même, le touché est pour moi la seule façon de savoir si elle va bien. Si un jour elle se blesse ou tombe malade, je pourrais ainsi plus facilement détecter un changement de posture, ou une blessure, si je l’ai déjà touché et si elle a l’habitude que je la manipule partout.
L’observation
C’est valable pour toute personnes, voyante ou non, mais j’estime que toute information est bonne à avoir en cas de besoin, surtout quand on ne peut pas voir l’oiseau. Il m’est en effet arrivé d’avoir des doutes sur sa santé, comme la fois ou elle s’est cognée dans une vitre, ou quand je l’ai retrouvée près du paquet de lingette, sans savoir si elle en avait mis une au bec. Le fait d’observer son niveau d’activité et la quantité de nourriture qu’elle mangeait les heures et les jours suivants m’ont permis d’être rassurée sur son état.
La confiance
Elle est nécessaire dans toute relation avec un animal. Mais en sachant qu’un oiseau n’a pas de maître, il s’agit de créer une relation d’égal à égal avec l’oiseau. C’est une des choses qui m’a tout de suite plu avec Éline. Cependant, la moindre erreur ou la moindre contrainte que je voudrais lui faire subir et je pourrais perdre sa confiance. Dans ce cas-là, m’occuper d’elle deviendrait beaucoup plus compliqué, car il ne me serait plus possible de compter sur les acquis apportés par la confiance, comme le rappel et la manipulation.
La parole
Enfin, cela peut paraître bizarre, mais l’un des meilleurs moyens que j’ai trouvés pour communiquer avec Éline est la parole. Lorsque j’ai eu Éline, je savais qu’elle avait peur de moi. À ce moment-là j’ai pensé à moi-même, lorsque quelqu’un me fait quelque chose et que je ne m’y attends pas. Ça me fait peur et je déteste ça. Alors que, si on me parle avant pour me prévenir, tout va sans soucis. J’ai donc décidé d’utiliser des mots pour chaque action que je faisais près d’elle ou sur elle. Par exemple, quand je caressais Éline sur la tête et dans le cou et que je sentais qu’elle était contente, je lui disais le mot « câlin ». Cela m’a permis ensuite de lui faire d’autres papouilles, car elle associait « câlin » à quelque chose d’agréable. De même, lorsque j’ai besoin de la calmer, il me suffit souvent de prononcer « câlin » pour qu’elle se détende et me réclame la caresse promise.
Le contact avec l’oiseau
Si l’oiseau accepte la main de l’homme, ce qu’il vaut mieux avoir vérifié avant d’adopter si on ne voit pas, il faut encore éviter de l’effrayer avec. Lorsqu’Éline est en mouvement ou que je ne sais pas précisément ou elle se trouve, je prends toujours soin de la chercher avec la main contre le sol ou le perchoir sur lequel elle se trouve. J’évite ainsi de lui arriver en pleine figure, ou de me faire pincer parce qu’elle ne s’attend pas à un contact. Une fois que j’ai trouvé sa pâte, il ne me reste qu’à lui dire ce que j’attends comme par exemple : « monte » si je veux qu’elle vienne, « câlin », ou simplement « tu es là », pour qu’elle comprenne que je souhaitais juste la repérer. De même, pour lui présenter un jouet, je me contente de le poser un peu à distance devant elle et de l’appeler, car la seule fois où je lui ai donné de but en blanc, elle s’est envolée en criant et a boudé le jouet pendant 3 jours.
Les sorties
Les sorties sont indispensables à l’épanouissement d’un oiseau. Mais elles sont aussi propices aux dangers. Fenêtres ou portes mal fermées, plantes toxiques, vitres ou elle peut se cogner, planques inaccessibles, et même chat qui décide de rentrer en courant dans la pièce… Il faut parer à tout. Et quand on ne voit pas, c’est d’autant plus important d’avoir préparé la pièce ou la maison avant, pour être sûr que rien ne nous échappe.
Préparer la pièce
Pour commencer, je fais le tour de la pièce pour faire l’inventaire des potentiels dangers. Je vérifie toutes les portes et fenêtres, retire ou range tout ce qui ne doit pas tomber entre les pâtes ou dans le bec de ma protégée et s’il y a des dangers impossibles à faire sortir, je fais en sorte qu’elle n’y accède pas, ou, dans le pire des cas, je mémorise leur position pour être à l’affût lorsqu’elle s’en approche. Éline sort toujours dans la même pièce, à quelques exceptions près. Cela me permet de ne pas avoir à réorganiser toute la maison à chaque sorti et de minimiser les risques. Mais pour autant, chaque sortie est précédée d’une inspection, car une fenêtre laissée ouverte 5 minutes pour aérer et à laquelle je ne pense plus et je peux dire au revoir à Éline.
Ensuite je lui dispose des jouets à différents endroits de la pièce. Quand elle joue, c’est toujours du temps en moins ou elle ira faire des bêtises.
Le vol
Les sorties, c’est aussi le moment de se dégourdir les ailes. Parlons donc du vol. Certaines personnes voyantes ont déjà peur de ces oiseaux qui s’envolent sans prévenir, foncent n’importe où et viennent se poser plus ou moins délicatement sur nous, ou sur la télé mal posée sur son meuble… Mais quand on ne voit pas, ça peut paraître encore plus impressionnant. Au début, je dois dire que moi aussi j’ai eu peur. C’est arrivé quand je ne m’y attendais pas. J’avais tout préparé, mais voir Éline m’échapper d’un seul coup et foncer n’importe où en l’air sans même connaître l’endroit, j’avoue que sur le coup j’ai eu un bon coup de stress. Mais dès le deuxième envole c’était simplement devenu pour moi un immense bonheur de l’entendre voler, de la sentir se poser sur moi puis repartir, et me faire des courants d’air en me tournant autour histoire de m’inciter à me bouger un peu. Le Seul petit principe de précaution que j’ai jugé bon d’appliquer, c’est d’éviter de bouger pendant le vol. Ça ne dur jamais bien longtemps et puis ça évite une collision qui pourrait être assez violente étant donné leur vitesse.
L’une des choses primordiales lors des vols est de ne surtout pas leur montrer notre peur ou notre inquiétude, de quelque manière que ce soit. Pour ça le mieux c’est encore de prendre sur soit et de ne plus ressentir aucune peur ni aucun stress. En effet, il m’est déjà arrivée de stresser lorsqu’Éline était en vol, car des personnes de mon entourage ouvraient et refermaient les portes sans arrêt. Je ne bougeais pas, je ne faisais aucun geste particulier qui pouvait laisser penser que j’étais inquiète, mais Eline l’a immédiatement ressenti en venant se percher sur mon épaule. Elle a dû penser qu’il y avait un danger, et s’est mise à paniquer. Elle s’est envolée à pleine vitesse en criant, et a heurté une vitre de plein fouet. Maintenant je prends bien soin de cacher les vitres, mais surtout je ne la sors plus qu’à des moments où nous sommes au calme et ou rien ne peut nous stresser.
Les déplacements au sol
Tic tic. Oh que c’est mignon les petits pas d’Éline sur le parquet. Elle marche, elle se met à courir quand elle sent ma main derrière elle et elle explore le vaste monde. Déjà qu’un voyant à intérêt de faire attention où il met les pieds dans cette situation, c’est d’autant plus vrai lorsqu’on est sûr de ne pas la voir même au bout de son nez. Là si on appliquait le même principe que pour le vol, on finirait par devenir des statuts. Seules choses à faire : éviter de marcher à toute vitesse surtout si comme moi vous êtes toujours trop pressés, écouter attentivement les tic tic tout mignons sur le sol (encore faut-il que cela fasse du bruit). Et ne plus bouger d’un centimètre au moindre doute sur sa position. Dans ce cas-là, la meilleure solution est encore de leur avoir appris le rappel. Pour Éline, soit elle revient, soit j’ai le droit à un cri qui doit vouloir dire « désolé, j’ai trouvé un jeu plus sympa, réessaye plus tard. » Mais au moins je sais où elle est.
Concernant les déplacements, il faut aussi faire attention quand on a l’oiseau sur soi. Éline est un vrai pot de colle, et s’accroche à moi par tous les moyens. Aussi, je suis amenée à me déplacer avec elle sur les épaules, mais aussi parfois agrippée à ma cuisse, sur une main, ou même sur ma tête… Dans ce cas, il faut toujours anticiper pour ne pas risquer de la faire se cogner dans un obstacle, même si elle choisit de se mettre sur la main que j’utilise pour me repérer… et quand ça me paraît trop difficile de lui éviter les chocs, je préfère encore supporter ses ronchonnements et la déplacer là où ça m’arrange mieux.
Le matériel spécifique
Et oui. Si je laisse Éline sortir de 4 à 7 heures par jour, j’ai toujours une vie à côté. Et quand j’ai envie d’une séance lecture par exemple, quoi de mieux qu’un ordinateur braille ? Sauf qu’avec un oiseau qui risque de déposer ses fientes pile sur les cellules, ou qui, voyant nos doigts virevolter sur l’appareil, va vouloir jouer aussi, la cohabitation se complique. Au début, je m’étais dit que c’était tout simplement hors de question. Un bloc-notes braille et un oiseau ce n’est pas compatible. Mais brailliste dans l’âme que je suis, je n’ai pas pu résister bien longtemps. J’ai commencé par présenter à Éline mon bloc-notes braille de poche. Je me disais que, comme il était petit, il serait plus facile de le protéger des assauts. Mais très vite, il s’est révélé insuffisant pour effectuer certaines tâches et je ne voulais pas enfermer Éline ou la laisser seule pour autant. Au début, ce que je redoutais s’est produit, mais par chance, elle s’attaquait uniquement à la housse de protection. J’ai cependant préféré mettre les limites tout de suite. Et il a suffi d’un retour en cage de 10 minutes pour qu’elle commence à comprendre qu’elle n’avait pas à y toucher. Ce n’est pas la même histoire si je viens avec mon pc standard ou encore avec mon irrésistible montre, mais je préfère encore qu’il en soit ainsi. Bien sûr, la protection du bloc-notes braille est encore l’objet de quelques discordes de temps à autres, mais les bases sont posées et il me suffit de lui proposer un autre jouet pour qu’elle s’en détourne.
« Et les bêtises, je peux ? »
Évidemment, ce n’est pas parce que je ne les vois pas qu’elle ne les fait pas. « Oh chouette ! L’humaine a laissé traîner son portable, je vais pouvoir profiter de cette superbe coque de protection en cuir qu’elle déteste que je grignote !»
Mes 2 meilleures armes pour éviter les bêtises, ce sont ma rigueur et mes oreilles. La rigueur parce que chaque petite chose qui pourrait la mettre en danger, ou à laquelle je tiens doit éviter de se retrouver à sa portée. J’ai donc investi dans des placards : un pour nos affaires, et un pour les siennes, afin d’éviter qu’elle ne grignote ses lingettes ou qu’elle ne trou le paquet de fond de cage tout neuf que j’avais acheté la veille et oublié de cacher… Et mes oreilles parce que, malgré toutes les précautions prises, un petit oiseau curieux comme Éline trouvera toujours une bêtise à faire. Le parquet et les murs fraîchement repeints, c’est tellement bon. Les câbles de l’ordinateur, quoi de plus amusant ? Et le jeu le plus fun, c’est sans conteste celui de renverser la mangeoire bien remplie que l’humaine a malencontreusement mal fixée à son support…
Les fientes
C’est beaucoup moins plaisant, mais, quand on sort un oiseau, ça fini forcément par arriver. Et si on n’a pas une bonne paire d’yeux pour les repérer, ça se complique davantage. Même si Éline est un vrai pot de colle, et que j’arrive généralement à savoir quand elle vient de faire pour les retirer directement, je ne suis jamais à l’abri d’une fiente bien cachée. J’ai donc recouvert le canapé et les coussins de vieux draps ou de housses que je peux laver régulièrement. Chaque retour d’Éline dans sa cage est suivi d’une inspection générale de tous les endroits où elle s’est posée. Quant à moi, je ne vais jamais la voir avec les vêtements que j’ai prévu de porter dans la civilisation, sauf quand je suis pressée ou il m’arrive de simplement me couvrir avec de vieilles blouses bien larges au cas où. Car dites-vous bien que ce n’est pas parce qu’on a juste une petite envie de câlin que ça n’arrivera pas. Il suffit d’arriver au mauvais moment.
Et dernier détail à ce sujet : les calopsitte sont vraiment douées pour la coiffure. Ça chatouille, ça détend… Mais évitez de céder à la tentation si vous n’avez pas prévu de passer par la case shampoing juste après.
Le retour en cage
« Éline on rentre !»
« Roh, j’aime beaucoup mon humaine mais vraiment, quelle rabat-joie ! Je serais bien restée jouer encore un peu. »
La cage d’un oiseau, c’est son refuge, dans lequel il se sent chez lui. Mais pour certains, là où ils se sentent encore mieux, c’est collé à leur propriétaire. Le retour en cage peut donc parfois se transformer en jeux du chat et de la souris, dans lequel il vaut mieux faire preuve de patience. Lorsque je dois la reprendre sur le sol ou sur un meuble, Éline se met parfois à courir pour éviter que je ne l’attrape. Dans ce cas, mieux vaut éviter la course poursuite, surtout que, par rapport à moi, elle sait parfaitement ou je suis et comment m’échapper. Si elle est sur moi, son astuce est d’aller se percher dans des endroits difficilement accessibles comme le milieu de mon dos, ou de se précipiter vers l’épaule droite alors que ma main l’attend sur celle de gauche. Dans les 2 cas, il faut simplement patienter tout en essayant de présenter doucement la main jusqu’à ce qu’elle accepte. Cela ne prend généralement pas longtemps, car il suffit d’associer le retour à la cage avec un gros câlin et des graines bien fraîches pour que tout aille bien.
Le ménage
Fin de journée. Éline a bien volé et bien joué pendant des heures, mais maintenant c’est l’heure du dodo. Sauf pour son humaine préférée, qui, avant de faire un gros câlin pour dire bonne nuit, va s’attaquer à l’inspection générale et surtout au ménage. Et oui, car, même en essayant d’en enlever au fur et à mesure, on ne va rien se cacher, un oiseau, ça vous détruit le décor à coup de fientes et de coquilles de graine volantes. Et là, il n’y a aucun secret. Ce sont les mêmes astuces que pour du ménage classique.
Personnellement je commence par retourner dans tous les endroits où elle est allée pour vérifier qu’il n’y a rien. Comme elle a ses habitudes, les endroits sont toujours les mêmes, ce qui facilite le repérage des saletés. Je commence toujours par nettoyer et désinfecter les meubles, au cas où j’en ferais tomber au sol.
Une fois que le plus gros est enlevé, c’est aspirateur dans toute la pièce. Car, même si l’oiseau n’est pas allé à tous les endroits, les coquilles des graines ainsi que ses plumes lors de la mue peuvent avoir volé et s’être nichées n’importe où.
L’entretien de la cage
Contrairement à ce que je pensais, le nettoyage de la cage est très simple. J’avoue que la première fois, j’ai remercié chaudement l’inventeur de l’aspirateur et que j’ai dépensé pas mal de calories à essayer de laver toute la grande cage en partant de la mauvaise ouverture… Mais dès la semaine suivante, j’ai commencé à appliquer une procédure faite maison et petit à petit j’ai enfin trouvé ma vitesse de croisière. Avec le temps, j’ai arrêté de mettre Éline en sécurité dans sa petite cage de transport ce qui m’évite d’avoir à supporter ses cris d’encouragement comme j’aimais les appeler.
Je parlais de procédure. Je trouve que, pour l’entretien d’une cage à oiseau quand on ne voit pas, c’est obligatoire. Un chat, on attend qu’il fasse sa sieste, on vide le bac à litière, on le rince, on remplit et on replace comme si de rien était. Mais pour un oiseau c’est en quelque sorte sa maison qu’on est en train de manipuler dans tous les sens. Alors soit c’est une intrusion si l’oiseau n’est pas apprivoisé, soit c’est un jeu très amusant.
C’est le cas avec Éline. Et maintenant que l’entretien de sa cage n’a plus aucun secret pour moi, le plus dure est encore d’essayer de la contenir.
Faire de la corvée de nettoyage une routine à la fois pour moi et pour Éline permet donc d’éviter les accidents, car je sais précisément ou sont les plus gros dangers pour elle et, avec le temps, Éline apprend aussi à ne pas aller vers certaines choses, même si le sac poubelle avec son fil qui pend et rempli de choses « rigolotes » restera toujours une tentation trop forte.
Concernant la cage en elle-même, la plupart sont équipées de tiroirs amovibles, qu’il suffit d’enlever, de vider, de rincer et de remplir à nouveau avec un fond de cage propre, exactement comme on le ferait avec une litière de chat. Cependant, il faut toujours inspecter méthodiquement la cage en partant du haut vers le bas. Par exemple, il arrive de retrouver des fientes qui sont restées collées au plastique du bas de la cage. C’est plus rare d’en trouver aux barreaux, mais on ne sait jamais et puis de toute façon il vaut mieux leur passer un coup de chiffon pour enlever toute autre chose qui aurait pu s’y poser. Cela permet aussi de contrôler l’état de la cage, car certains barreaux, s’ils sont trop fins, peuvent être grignotés.
Concernant le fond de la cage, j’ai lu beaucoup d’avis divergents et, quant à ce qui est le plus pratique quand on ne voit pas, je dirais qu’à par le sable qui risque de voler partout, tout est faisable. Certains pourront penser qu’il y a moins de chance d’en mettre à côté en utilisant du papier ou de l’essuie-tout, mais, pour avoir essayé, on a tout autant de chance de faire tomber ce qu’il y a sur le papier que de faire tomber des grains de litière.
Les voyages
Lorsque j’ai adopté Éline, je me suis très vite renseignée pour savoir comment je pourrais l’emporter avec moi lors de mes séjours réguliers chez ma famille, à 400 km de chez moi.
La principale inquiétude était, comme pour beaucoup de propriétaire d’oiseau, le transport. Je me demandais comment faire pour qu’elle ait un confort optimal, mais surtout je ne savais pas comment j’allais me débrouiller dans le train, pour la surveiller, porter la cage, nos affaires et ma canne… C’était d’autant plus difficile que les témoignages que je trouvais sur le net concernaient plus des personnes voyageant en voiture avec leurs oiseaux.
Les jours précédents notre premier départ, j’ai donc tout essayé pour tenter de ne pas m’encombrer les mains avec la cage. Cependant, comme aucune solution ne me paraissait sur à 100%, j’ai opté pour le portage à la main. Ma cage ayant une poignée, je n’avais qu’une main de prise, l’autre restant disponible pour ma canne ou le bras d’un guide. Le plus difficile au départ était d’éviter que mes sacs en bandoulière ne cognent dans la cage, mais après quelques minutes de rodage, j’ai rapidement pris le pli.
Une fois dans le train, je fais en sorte de m’installer dans des endroits spacieux, ou sur des sièges en duo côte à côte ou face à face, ce qui me permet de poser la cage sur le second siège et ainsi d’éviter qu’elle ne se fasse rentrer dedans par les autres passagers.
Enfin, le dernier obstacle auquel je n’avais pas pensé avant de partir, c’est qu’il me serait plus difficile de savoir l’état d’Éline. Le premier trajet a donc été stressant sur ce plan, d’autant que j’avais adopté Éline peu de temps avant. Mais les trajets suivants, je la connaissais déjà mieux, et je savais plus facilement identifier les différents sons dans la cage, ce qui m’a permis de savoir précisément où elle se trouvait et ce qu’elle faisait. De plus, j’avais moins peur qu’elle se mette à crier car j’étais plus facilement en mesure de savoir ce qui n’allait pas et de la rassurer.
Conclusion
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, adopter un oiseau demande beaucoup de temps et d’énergie. Et lorsqu’on ne voit pas, certaines tâches peuvent encore augmenter le temps qu’il faudra pour s’en occuper, comme par exemple le grand nettoyage journalier. Mais tout ce temps passé avec eux nous permet de créer une grande complicité et chaque jour, je ressens un immense bonheur à l’idée de passer tous ces moments près d’Éline.
Après ces 4 mois passés avec Éline à mes côtés, je peux dire que ce qui me plaît le plus, ce sont les progrès qu’elle fait chaque jours, grâce aux liens que nous avons tissés et à la confiance qu’elle m’accorde. Il faut souvent faire preuve de patience et de self-control. Parfois les progrès sont si minimes que j’aurais tendance à ne pas m’en rendre compte. Parfois il y a de la frustration, quand je crois avoir franchi une étape, et que le lendemain elle me pique une colère insoupçonnée pour un si petit oiseau parce que je lui présente une pomme qui la veille commençait à l’intéresser. Mais la sensation d’accomplissement, de fierté, et l’émotion qui m’envahi lorsqu’enfin elle se met à faire quelque chose que j’essaye de lui apprendre depuis des semaines, ou encore quand nous venons toutes les 2 de passer une nouvelle épreuve du quotidien, tout ça n’est que du bonheur, indescriptible à qui ne l’a pas vécu.
J’espère qu’après avoir lu ce témoignage, vous pourrez vous faire une meilleure idée de ce que peut donner la cohabitation entre un oiseau et quelqu’un qui ne voit pas. Et, si vous êtes dans mon cas, j’espère avoir répondu à toutes vos questions et, pour ceux qui le souhaitent, pourquoi pas vous lancer dans une amitié avec un compagnon à plume, si vous avez le temps et les ressources pour vous en occuper ?
2 commentaires
Merci Camille pour ce témoignage très chouette!
Chouette, oiseau…
J’adore mon humour!
Plus sérieusement, c’est un témoignage aussi instructif que touchant et pourquoi ne pas nous enregistrer ton compagnon à plumes???
A bientôt,
Vlad
Ah oui ! Un petit audio pour illustrer l’article ça serait génial !
Si jamais Camille ne passe pas par là je lui transmets l’idée.
Merci Vladounet pour ton passage et ton com ! Je peux t’appeler Vladounet ?