Note : ceci est une transcription de l’épisode 7 de Speed Dating avec la Slow Beauty, destinée à ceux qui préfèrent lire ou aux personnes sourdes et malentendantes. N’hésitez pas à aller écouter le podcast sur votre plateforme multimédia préférée (Spotify, Apple Podcast ou Amazon Music) et à vous abonner à ma chaîne sur ladite plateforme pour ne pas louper les épisodes suivants !
Bienvenue dans ce nouvel épisode de Speed Dating avec la Slow Beauty. Je suis vraiment désolée d’avoir tant tardé à sortir cet épisode, mais vous savez ce que c’est la vie. On a des tas de projets en cours et finalement, on ne sait plus où donner de la tête.
Aujourd’hui, j’aimerais vous parler plus précisément de quelques idées reçues ou peut-être faux arguments de vente qu’utilisent beaucoup les commerciaux pour vous convaincre que leurs produits sont particulièrement naturels ou particulièrement
intéressants pour vous, alors que parfois ils ne le sont pas, voire parfois ils sont même très problématiques. On va donc se pencher sur trois de ces fausses bonnes idées, et on va commencer par celle du pH neutre.
Le PH neutre
Je suis sûre que vous avez entendu parler de ce PH neutre plein plein de fois. On vous dit « ce produit, c’est formidable, c’est un cosmétique au pH neutre, il est vraiment doux pour votre peau. » Erreur, grossière erreur !
Alors en deux mots, qu’est-ce que c’est que le pH? Le pH, c’est la mesure de l’acidité d’un milieu. Si un pH est de 7, c’est que le milieu est parfaitement neutre.
En dessous de 7, le pH est acide. Plus on descend vers 0, plus le produit est acide. Au-dessus de 7, plus l’on monte vers 14, plus le produit est basique. Basique, c’est l’inverse d’acide.
On vous vend donc des produits au pH de 7 (pH neutre), en vous expliquant qu’ils sont moins agressifs pour votre peau.
Le problème de ces produits, c’est que la peau elle-même a un pH légèrement acide : entre 4,7 et 5,5 à peu près. En fait, la peau est recouverte d’un film hydrolipidique composé d’eau et de graisse. Ce film est une barrière cutanée qui contient énormément de bactéries et d’enzymes qui protègent la peau.
Les bactéries, ce n’est pas forcément des choses qui vont être néfastes pour vous. On a des bonnes bactéries qui vont lutter contre les agressions extérieures. Et ce milieu, le milieu de ce film hydrolipidique, eh bien, il est acide.
Si on utilise un produit au pH neutre, on va faire augmenter le pH, c’est-à-dire qu’on va rendre ce milieu un petit peu moins acide.
Résultat, les bactéries et les enzymes qui constituent la barrière cutanée vont se retrouver dans un milieu moins favorable et être fragilisés. La peau va donc être davantage exposée aux agressions extérieures par les microbes et les bactéries. Et ce n’est clairement pas ce qu’on recherche.
Côté cheveux, on vous vante également les bienfaits du shampoing au pH neutre. Là aussi, c’est une erreur.
D’abord parce que le cuir chevelu, comme le reste de la peau, eh bien c’est de la peau. Et donc il est soumis aux mêmes règles. Mais aussi parce que les cheveux sont composés de cuticules.
En fait, la couche extérieure des cheveux, imaginez comme des écailles qui se superposent les unes aux autres. Ces écailles, pour que le cheveu soit lisse, soyeux et bien démêlé, elles ont besoin d’être resserrées. Imaginez les tuiles d’un toit.
Si on ébouriffait le toit et que toutes les tuiles étaient verticales, eh bien la pluie pourrait rentrer à l’intérieur de votre maison. Non, les tuiles, elles sont appuyées les unes sur les autres et superposées.
Pour cela, pour que nos cuticules soient bien resserrées, eh bien il faut de l’acidité.
Plus vos cheveux vont être soumis à un pH acide, pas trop acide non plus évidemment, mais entre 4,5 et 6, plus vos cheveux vont être brillants, soyeux et glissés les uns sur les autres, puisque nos écailles vont être bien resserrées, et donc très
faciles à démêler. D’où l’intérêt, par exemple, du rinçage à l’eau vinaigrée, dont vous pouvez trouver une recette sur mon blog. Le shampoing neutre ne va donc être intéressant ni pour le cuir chevelu, ni pour les longueurs.
Dernier petit point sur l’hygiène intime, parce que j’ai également vu des gels pour l’hygiène intime au pH neutre, ce que je trouve extrêmement inquiétant.
Sachez mesdames, et messieurs aussi, que la flore vaginale, c’est-à-dire le microbiote qui protège le vagin, vit dans un milieu acide.
Si vous perturbez le pH du milieu de la flore vaginale, alors on se retrouve avec une possible prolifération de bactéries extérieures indésirables et ça peut même causer des maladies assez importantes et graves.
Sachez aussi qu’une des causes possibles des mauvaises odeurs intimes, c’est justement un changement de pH de la flore vaginale et donc une prolifération de bactéries indésirables. Donc en voulant faire partir les mauvaises odeurs intimes, en fait, on en crée la cause.
De manière générale, mesdames, nettoyez votre intimité uniquement à l’eau et uniquement l’extérieur. Le vagin est formidable, il est auto-nettoyant, il n’a absolument pas besoin que vous veniez y mettre ni de l’eau ni des produits.
Vous comprenez donc maintenant un petit peu mieux pourquoi les produits pour l’hygiène intime au pH neutre, c’est non seulement une hérésie, mais possiblement un vrai problème.
Les huiles végétales hydrogénées et estérifiées
Une huile végétale, à la base, c’est une graisse extraite d’une plante, qui est riche en acides gras, en anti-oxydants et en vitamines. On en a beaucoup parlé dans l’épisode précédent, je vous encourage à aller l’écouter si vous ne l’avez pas encore fait.
Hydrogéner une huile, c’est y ajouter de l’hydrogène pour modifier les liaisons atomiques et la rendre plus stable dans la durée et aussi en modifier la texture, la rendre en général plus épaisse.
Une huile estérifiée, c’est une huile dont on a découpé puis recomposé les molécules chimiquement pour obtenir une texture ou un toucher précis. Ça va être une huile avec un toucher plus sec, plus pénétrant et une huile là aussi plus stable dans la durée.
En gros, dans les deux cas, on garde le gras et on perd à peu près tous les insaponifiables, c’est-à-dire les polyphénols, les tocophérols, les phytostérol, toutes ces vitamines, ces antioxidants qui apportent tellement de bienfait à la peau.
Alors pourquoi est-ce que les marques utilisent ce type d’ingrédients? Eh bien déjà parce que ça leur permet d’avoir des produits beaucoup plus stables, beaucoup plus faciles à émulsifier et aussi des produits avec un toucher vraiment idéal : lisse, soyeux, pénétrant. Et en quoi est-ce que c’est souvent un argument de vente mensonger ou très peu honnête de la part des marques, en tout cas sans grande transparence? Eh bien ça va permettre à des marques peu scrupuleuses d’annoncer des choses comme « crème onctueuse à l’huile d’argan », alors qu’en fait dans leurs produits, il y a 0,2 % d’huile d’argan et énormément d’huile estérifiée et hydrogénée.
On a un produit gras, oui, qui va nourrir la peau en surface, mais par contre sur le long terme il ne va pas lui apporter grand chose.
On a même des marques qui osent nous annoncer la présence d’une huile végétale dans leurs produits, alors que lorsqu’on lit la composition INCI, on se rend compte que cette huile n’est présente que sous forme hydrogénée. C’est quand même extrêmement problématique parce que ça devient malhonnête.
Vous voulez que je balance un petit peu? Allez, je sens que vous avez envie que je dénonce une marque là.
Je vais dénoncer une marque bio qui s’appelle Lafare 1789 en Provence. Cette marque, qui fait des produits très naturels, qui prône des valeurs proches de la Slow Beauty et qui nous propose un baume à lèvres coco et karité dans laquelle il y a effectivement du karité, par contre de l’huile de coco, point. Le premier ingrédient, c’est effectivement de l’huile de coco hydrogénée.
Donc en fait, on a effectivement le gras de la coco, mais on n’en a aucun des insaponifiables, ne parlons pas de son parfum délicieux dont on s’abstient totalement dans ce produit.
Les huiles de douche
Troisième point de ce podcast qui, j’en suis désolée, va être un petit peu plus long que d’habitude. C’est une question qui m’a été proposée par une auditrice. Il s’agit de la question des huiles de douche.
On nous vend les huiles de douche comme des produits de douche plus doux pour la peau, plus nourrissants. Est-ce que réellement les huiles de douche, c’est mieux que les gels douche? Eh bien, pas forcément.
En fait, une huile de douche, sachez que c’est exactement la même chose qu’un gel douche, sauf qu’on y met beaucoup plus de corps gras pour qu’il reste un film gras sur la peau après la douche. C’est un petit peu le principe du savon saponifié à froid avec son surgras, sauf que là, à la place du savon, on a des tensioactifs qu’on retrouve dans les gels douche.
Si vous écoutez certains de mes épisodes précédents, vous comprendrez pourquoi dans un certain nombre de cas, c’est extrêmement problématique. Les marques dissimulent souvent derrière ce terme d’huile de douche, qui vous paraît beaucoup plus naturelle, le fait qu’elles utilisent exactement les mêmes tensioactifs sulfatés, très problématique tant pour l’environnement que pour la santé, que dans leur gel douche.
Pour expliciter mon propos, j’ai choisi de décrypter avec vous la composition d’un cosmétique extrêmement connu, ce qui va aussi nous permettre de faire le lien avec le propos précédent sur les huiles hydrogénées et estérifiées. Il s’agit de l’huile de douche à l’amande de chez L’Occitane. D’après le site, il s’en vend une toutes les 10 secondes dans le monde. Cette information m’a fait sourire, mais je sais que c’est effectivement un produit qu’énormément de gens utilisent.
Si vous regardez le site, lorsque vous cliquez sur la composition, avant de vous présenter la composition INCI, qui est obligatoire, je le rappelle, sur tous les cosmétiques, on met en avant les bienfaits de l’huile d’amande douce et on vous explique en quoi c’est ça qui va vraiment vous apporter quelque chose dans ce produit. C’est très important, rappelez-vous en pour la suite.
C’est parti maintenant, décryptage en direct : l’huile de douche à l’amande de L’Occitane.
Alors voilà, j’ai la composition sous les yeux, en fait plus précisément sous les doigts, puisque je suis non-voyante, pour ceux qui ne le savent pas, je lis donc en braille. J’ai récupéré cette composition sur le site officiel de l’Occitane. Et c’est parti.
Viti vinifera seed oil : ca, c’est de l’huile de pépins de raisin. Alors pour rappel, la composition INCI présente les ingrédients dans l’ordre de présence dans le produit. C’est-à-dire que le premier ingrédient de la liste est celui dont il y a le plus. Le dernier est généralement en très infime quantité dans le produit.
Donc, c’est intéressant. C’est-à-dire qu’on est sur une huile de douche à l’amande douce. Notre premier ingrédient, c’est de l’huile de pépins de raisin. Pourquoi pas.
Tipa-laureth sulfate : Ça, c’est un tensioactif extrêmement agressif, éthoxylé, qui fait partie des tensioactifs à bannir absolument. Il est terrible pour l’environnement, extrêmement irritant, décapant pour la peau. Donc c’est très bien : on vous vend un produit doux et nourrissant pour votre peau, tout en vous décapant joyeusement.
Laureth-3 : c’est le produit suivant sur la liste. C’est un grand copain du tipa laureth Sulfate. C’est aussi un tensioactif éthoxylé. Rien que le procédé de fabrication des ingrédients éthoxylés est problématique pour les personnes qui le fabriquent et pour l’environnement. Le produit lui-même n’est pas biodégradable. Le produit lui-même est encore une fois tout à fait décapant pour la peau.
Caprylic/Capric Triglycéride : Ça, c’est un ester de l’huile de coco. Donc, on est typiquement sur ces fameuses huiles estérifiées dont on parlait avant. C’est un produit qu’on retrouve énormément. Même en bio, il est très utilisé parce que pour le coup, il n’est pas problématique ni pour la peau, ni pour l’environnement. Mais c’est typiquement un corps gras qui va apporter une texture au produit, mais qui, par contre, ne va rien apporter de particulier à la peau. Donc, on n’a toujours pas d’huile d’amande, juste pour rappel.
Parfum/fragrance : eh bien, c’est du parfum ou de la fragrance. Merci Flo, avec plaisir. Alors non, en fait, c’est la seule chose que les marques ne sont pas tenues de préciser dans leur composition, parce que les recettes des parfums ou des fragrances sont soumises à un secret qu’elles ont le droit de ne pas divulguer. Donc, on n’a aucun moyen de savoir si c’est un parfum naturel ou synthétique. On ne sait pas. Et ça, c’est pareil pour toutes les marques, même les plus slow. La seule chose qu’il faut comprendre ici, c’est que si on en est déjà au parfum dans la liste, c’est qu’on est déjà à des proportions très petites. En effet, le parfum dans un produit dépasse très rarement 5 % de la quantité du produit.
Donc, on en est déjà à des ingrédients très peu dosés dans le produit et sans vouloir critiquer personne, on n’a toujours pas de traces d’huile d’amande douce dans notre huile de douche à l’amande douce.
Cocamide MEA : alors, qu’est-ce que c’est que ce machin ? MEA, c’est pour monoéthanolamine. C’est encore un tensioactif éthoxylé, un produit donc agressif, irritant, potentiellement allergisant. Mais en plus de ça, le problème de la monoéthanolamine, c’est qu’elle peut réagir avec d’autres ingrédients pour créer ce qu’on appelle des nitrosamines, qui est un composé cancérigène. Donc, c’est vraiment, vraiment un ingrédient à bannir.
Ensuite, on a du propylène glycol. C’est un ingrédient issu de la pétrochimie. Alors, il n’est pas problématique ni pour la santé, ni pour l’environnement en lui-même. Par contre, c’est un ingrédient totalement inerte. C’est un agent de texture qui ne sert absolument à rien pour la peau. Et comme beaucoup de produits de la pétrochimie, sa fabrication, par contre, est contestable sur le plan environnemental.
Sorbitan Oléate : ça, c’est un émulsifiant qui ne pose pas de problème en lui-même, mais encore une fois, qui sert uniquement à la stabilité du produit et qui ne nous apporte rien.
Et là, regardez ça : Prunus Amygdalus Dulcis Oil. C’est enfin notre huile d’amande douce. Ce n’est pas trop tôt !
Et alors, je vois juste après, le prochain ingrédient, Citrus Aurantium Bergamia Oil : c’est l’huile essentielle de bergamote. Autant vous dire une chose, mes amis, c’est que des huiles essentielles dans ce type de cosmétiques, ils en mettent très, très, très, très, très peu, rarement au delà de 0,5 %, ce qui veut dire qu’on a dans notre huile de douche à peu près autant
d’huile végétale d’amandes douces, le produit phare, que d’huile essentielle de bergamote qui est juste là pour apporter un petit peu d’odeur. Voilà, on en a, je ne sais pas moi, 0,2, 0,5 % maximum.
Et on termine avec Heliantus Annus Seed Oil, c’est de l’huile de tournesol ; Rosmarinus Officinalis Leaf Extract, c’est de l’extrait de romarin ; et Tocopherol, c’est de la vitamine E.
Et les derniers petits mots à la fin, ce sont les composés des huiles essentielles qu’ils sont obligés de préciser pour les cas d’allergie.
Alors, pour résumer : on a un produit qui est censé nous apporter un voile de douceur et qui est en fait extrêmement irritant, potentiellement allergisant, qui pose des problèmes au niveau de l’environnement, au niveau de la santé. Côté acide gras, on a le site qui nous explique à quel point l’huile d’amande douce est intéressante parce qu’elle est riche en Oméga 9. Et bon, bah, des Oméga 9, je suis désolée de vous faire de la peine, mais il ne doit pas y en avoir beaucoup dans ce produit avec un 0,3 % d’huile végétale d’amande douce.
On a quand même cette petite curiosité qui est que le principal des corps gras dans ce produit, c’est de l’huile végétale de pépins de raisin. Vous vous demandez peut-être pourquoi? Eh bien tout simplement parce que c’est une huile végétale qui n’est pas chère, qui est produite en très très grande quantité parce que c’est un sous-produit de la production viticole. Elle est donc facile à se procurer, elle est plus stable parce qu’elle contient beaucoup d’Oméga 6. Mais par contre, bon, je suis désolée pour les Oméga 9, mais il faudra repasser.
Alors après, ça veut dire que vous avez quand même des corps gras d’origine végétale non transformés dans votre produit, mais ce n’est pas du tout de huile végétale d’amande douce, et donc toutes les propriétés spécifiques de l’amande douce, en
particulier son aspect extrêmement nourrissant et toutes les vitamines et autres insaponifiables qu’elle contient, bon, là vous pouvez faire une croix dessus.
On a donc une marque qui ne nous ment pas absolument, puisqu’on a 0,5 % d’amande douce dans son produit final, mais on a une marque qui très clairement se fout de notre gueule, puisqu’en fait elle utilise majoritairement un autre corps gras, sans parler évidemment de tous les corps gras transformés qu’elle utilise aussi pour remplir
son produit. C’est ce qu’on appelle des ingrédients de remplissage, ce qui va donner de la texture, mais ce qui ne va rien apporter à votre peau.
Ce principe de malhonnêteté manifeste, c’est ce qu’on appelle le greenwashing, et ce sera le sujet de notre prochain podcast.
En attendant, je vous souhaite de très joyeuses fêtes de fin d’année, et je vous dis à l’année prochaine. Ciao !

